VIGILANCE
Novella de Robert Jackson BENNET (2019)
Traduction de
Gilles GOULET (2020)
Editions LE BELIAL
Collection Une Heure Lumière
Illustration
et conception graphique Aurélien POLICE
Il y a peu, le Monde assistait quasiment
en direct, avec sidération, au déferlement de haine, de violence (de conneries
aussi de la part de complotistes de tout poil) d’une infime partie des soutiens
au président battu et déchu montant et envahissant le Capitole ! Fin de
règne d’un (dangereux ?) mégalo reniant même tous les principes
démocratiques des Etats-Unis et notamment la valeur du scrutin électoral !
Le 6 janvier, le Capitole a été pris d’assaut par des partisans de Donald Trump. (AFP) |
Jamais ce pays n’avait vu, en si peu
de temps, se désagréger l’image d’un drapeau (signe d’union) dont le rouge a
coulé sans discontinuer… alors que la bataille médiatique puante des élections
a sévi durant de trop longs mois ! A coup de « fake news » (fuck
news ?) relayées par des réseaux sociaux si frileux à censurer. Dérive
sans doute d’une certaine idée de la liberté d’expression.
Cette déliquescence des médias (la
télévision en tête) et d’une partie de la société américaine n’échappe pas à l’écriture
d’auteurs orientés « Imaginaire ». La violence (et le meurtre
autorisé) jusqu’au paroxysme se remarquait déjà dans la nouvelle « Le
prix du danger » chez Robert SCHECKLEY ou chez Richard BACHMAN (alias Stephen
KING) dans « Running Man ». Le cinéma s’était emparé de ces 2 textes
pour les transposer à l’écran avec plus ou moins de bonheur. Récemment le « meurtre
autorisé » a fait l’objet d’un cycle cinématographique « American
Nightmare » traduit par « La Purge ».
A l’image de cette novella de Robert
Jackson BENNET « Vigilance », qui vient d’être éditée dans l’excellente
collection « Une Heure Lumière » ou UHL….
Restez armés, restez prudent, restez vigilant ! |
Extrait : « Sa Personne Idéale
a entre soixante-quatre et quatre-vingt ans. Son actif moyen est de 202 900
dollars, c’est un homme blanc dont les factures médicales ne cessent d’alourdir
la dette… La Personne Idéale de McDean est incontestablement de banlieue proche ou
lointaine, habite depuis plus de dix ans un environnement résidentiel
rigoureusement planifié…- en d’autres
termes, elle n’est pas en quoi que ce soit « urbaine » dans le sens « citadine »
, et elle est incontestablement isolée…. »
Définition implacable des algorithmes
développés par une chaîne de télévision dont l’émission phare « Vigilance »
est orchestrée avec minutie par son producteur John Mc DEAN.
Principe
simple et redoutable, envoyer...
«
Trois tireurs armés jusqu’aux
dents, lâchés dans un "environnement" public aléatoire délimité.
Un but : abattre le plus de personnes possible.
Une promesse : un énorme paquet de fric pour celui qui quitte les lieux indemne.
Si l’une des "cibles" met hors d’état
de nuire l’un des tireurs et survit, une part du pactole lui échoit.
Des règles
simplissimes, et des dizaines de drones qui filment le tout pour le plus grand
bonheur de millions de spectateurs hystérisés, d’annonceurs aux anges et de
John McDean, producteur et chef d’orchestre de Vigilance, le show TV qui a
résolu le problème des tueries de masses aux États-Unis… » 4ème
de couverture
Mais
une « telle mise en scène » ne peut s’ancrer dans la population que
sur le principe de l’attente, augmenter l’envie du citoyen lambda à regarder
cet « entertainement ». Provoquer l’attente jusqu’à l’insoutenable
libération en dévoilant le moment, le lieu et les tireurs choisis… Après, place
au « spectacle » !
L’action
de « Vigilance » se situe sur 2 lieux emblématiques :
- ·
Le studio de télévision où se met en place
méticuleusement la préparation du massacre à venir avec tous les traficotages
que se permettent les médias (présentateurs virtuels plus vrais que nature
entre autres, à même de satisfaire mâle et femelle. Choix des canardeurs et de
leur armement). Tout cela pour contenter les sacro-saints publicitaires.
- ·
Un bar classique américain où attendent avec de
plus en plus d’énervement les consommateurs en mal de sécurité (typique jusqu’à
leur armement) suspendus aux images d’un écran et de leur téléphone portable.
2 mondes, 2 protagonistes (le
producteur et la barmaid), 2 endroits qui s’ignorent mais où peut se produire un
grain de sable commun.
Lecteur retiens ton souffle. Tu es le « spectateur
captif » d’une machinerie diabolique, qui te pousse à parcourir les
quelques 160 pages en état d’apnée visuelle. Tu deviens, malgré toi, le voyeur
privilégié d’un engrenage trop bien huilé. Qui te rend presque nauséeux. Où tu te
dis « pas de ça chez nous » et pourtant !
Je vous recommande cette lecture, et
même la relecture, de « Vigilance ».
Robert Jackson BENNET est encore peu
connu chez nous malgré 2 textes forts « Mr Shiver » et « American
Elsewhere ». Mais il semble qu’une trilogie devrait être éditée en 2021….
Bonne occasion de patienter avec cette novella qui ne manquera pas de provoquer
quelques belles discussions dans la sphère des amateurs de littérature de l’Imaginaire.
A venir bientôt ? |
Elle devrait surtout nous permettre d’appréhender
sans doute l’image de l’Amérique fracturée d’aujourd’hui. Là-bas, ce n’est
décidément pas le pays des « Bisounours ».
Merci au traducteur, Gilles GOULET. Et
un coup de Stetson à Aurélien POLICE pour sa couverture pleine des
sous-entendus du texte.
Petit prix, 10.90 €, en vente chez tous bons libraires !
Extrait : "... Elle ne regrette pas de ne pas avoir d'arme ce soir. La vie de son père lui a appris que les probabilités qu'elle fasse quelque chose de bien avec sont dérisoirement basses, et celles qu'elle se fasse tuer terriblement élevées…"
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