lundi 30 mars 2020

IL Y A UN ROBOT DANS LE JARDIN ET DANS MES CHRONIQUES




IL Y A UN ROBOT DANS LE JARDIN
Edité par les éditions J’AI LU (mars 2020), édition originale France parue chez SUPER 8

Auteur : Deborah INSTALL

Traductions de Clara Gourgon

Couverture : création Studio J’ai Lu

Paginations 348 pages

Prix respectifs : 7.60 €

Confinement, 3ème semaine ! Je cherche un roman sans prétention pour occuper mon cerveau.  Loin des paysages sinistres de romans comme…. Complétez les petits points. Votre bibliothèque de l’Imaginaire en regorge, j’en suis persuadé.

Et me voilà embarqué dans l’odyssée de Ben, trentenaire procrastinateur compulsif. Au grand désespoir d’Amy, sa femme, avocate toujours en mode speed.

Entre les 2, il y a souvent de l’eau dans le gaz.

Sauf, que ce matin-là, Amy lance la phrase qui va déclencher l’intrigue du roman « Il y a un robot dans le jardin… ». Ben, infinie source de frustration, dixit Amy, doit se débarrasser de la chose.

En effet, sous l’un des arbres de la maison, repose un robot qui regarde les chevaux de la propriété d’à côté. Mais Ben n’est pas très pressé de passer à l’action. Il a toute la journée après tout. C’est un oisif qui a hérité de ses parents décédés dans un accident d’avion. Il estime pouvoir vivre sur l’héritage laissé, à part égale avec sa sœur Bryony, également avocate.

Mais, il y a ce foutu robot. Pas un de ces nouveaux androïdes multi fonctions que tout bon foyer se doit d’avoir. Tang, puisque c’est le nom que croit deviner dans les maigres propos de la « chose » Ben ; Tang donc est une boîte sur une autre boîte plus petite (la tête). Des bras et des jambes d’inégales longueurs assemblés à la va vite. C’est un assemblage hétéroclite d’éléments disparates. Et à l’intérieur, pas mieux si ce n’est un cylindre qui fuit. Ben comprend qu’il doit faire réparer le robot. Mais qui en est le constructeur ? Juste une plaque à moitié effacée. Mais quand Amy aperçoit son mari qui vient de nettoyer la carcasse avec une brosse à dents électrique (!)… « Mais qu’est-ce que tu fous… Son étonnement n’avait rien de surprenant. Entrer dans un garage et nous voir ainsi : Tang allongé sur le dos et moi en train de l’examiner tel un gynécologue, armé d’un téléphone et d’une brosse à dents électrique, cela devait faire raisonnablement un drôle d’effet.
- Ben…. Tu es en train de me demander de regarder DANS LE CUL D’UN ROBOT… ». Extrait.

Peu après cet incident, Amy part se réfugier chez la sœur de Ben, et lui annonce son intention de divorcer.

Désespéré, peut-être. Mais bien décidé à découvrir qui est le véritable constructeur du robot, Ben, sur les quelques éléments figurants encore visibles sur la plaque, s’embarque dans une drôle d’aventure qui le mènera, depuis la Grande-Bretagne,  successivement aux Etats-Unis, au Japon et sur une île Micronésienne du Pacifique.

Et les attitudes de Tang, son entêtement, ses peurs, ses crises d’angoisse vont révéler à Ben, peu à peu, des sentiments dont il se croyait jusqu’à présent incapable d’éprouver. Car Tang est un enfant en devenir ! Les péripéties mais aussi les personnages qu’il va croiser, vont mûrir cet éternel défaitiste.

Ce roman est une « sucrerie » bienfaisante pour un lecteur tel que moi. Même si on devine très vite l’issue de cette odyssée picaresque, j’ai été embarqué très facilement dans l’histoire où c'est le plus moche qui est le plus sympathique. Je suis persuadé que Tang deviendra votre chouchou. Un peu comme ces robots-jouets vintages. Vous pouvez vous l’imaginer à votre façon, et sourire très souvent de ses réactions. De ses réflexions. ! De son bon sens, qui nous interpelle sur nos modes de fonctionnement adulte qui ne laisse pas assez de place à la magie de l’innocence (voyez Peter Pan et Hook de Spielberg).

A vous lecteur, faites-vous du bien, adoptez Tang et prenez une bonne bouffée d’optimisme dans ces moments guère évidents pour les uns et les autres !
                                 "Un livre des plus insolites et délicieux. Deborah INSTALL a créé un robot dont vous vous souviendrez !" Alexander McCall Smith auteur de la série à succès "Ladies Detective Agency". 
A recommander aux amateurs de polar

lundi 23 mars 2020

LE REGARD DANS LES JARDINS DE POUSSIERES



LE REGARD
Edité par les éditions LE BELIAL, collection « Une heure/Lumière »



JARDINS DE POUSSIERE


Auteur : Ken LIU



Traductions (excellentes) de Pierre-Paul DURASTANI

Couvertures de Aurélien POLICE

Paginations : 93 pages et 520 pages

Prix respectifs : 08€90 et 24€90

Sorties en juin 2017 et octobre 2019

Vous avez aimé les nouvelles du monde de l’Imaginaire comme « DANSES AERIENNES » de Nancy KRESS chez le même éditeur, alors précipitez-vous sur ces deux ouvrages de grande qualité littéraire.

Je parlerai surtout du premier titre.

Des jeunes femmes asiatiques sont assassinées sauvagement ; circonstances horribles, elles sont énucléées et sans aucun doute alors qu’elles sont encore vivantes. Pourquoi et qui est le mystérieux meurtrier qui ne laissent aucune trace.
« … Voici longtemps, avant la prison, on l’appelait le Surveillant… Il sort de la douche, se sèche et, drapé dans sa serviette s’assoit pour travailler sur la petite demi-sphère argentée, de la taille d’un gland et qu’il essaie d’ouvrir. Quand il se l’est procurée, elle était couverte de sang. Il l’a essuyée à maintes reprises avec des serviettes en papier mouillées au robinet du lavabo jusqu’à ce qu’elle resplendisse… » Extrait
C’est ce que veut la mère de l’une d’elle, Jasmine. Elle engage Ruth LAW, une détective privée établie dans le quartier chinois. Son enquête révèle que Jasmine était une prostituée de luxe, ce qu’ignorait sa mère.

Au fur et à mesure de l’enquête, Ruth Law découvre que les yeux ont une importance et que le tueur a d’autres « vues » sur ces jeunes personnes.

Ah ! je ne vous ai pas tout dit. Ruth Law bénéficie d’un « Régulateur ». Cela améliore son endurance physique et mentale au-dessus de la norme. Mais il agit comme une drogue pour oublier un événement tragique de son passé. Et cette enquête va la ramener à ce traumatisme.

L’ouvrage est une réussite d’enquête policière et de fantastique. L’habileté de Ken LIU s’est de s’attacher, par petites touches, à des détails qui vont de la violence à la cruauté avec un raffinement tout asiatique. Lui, né en Chine mais ayant migré avec ses parents aux Etats-Unis très jeune.  Il a gardé de ses origines un goût pour une approche de l’Imaginaire baigné des contes et légendes de la Chine d’autrefois. Une manière de conter qui échappe à tous les codes classiques de la fantasy ou de la science-fiction.

Cette tradition se retrouve dans les 26 nouvelles constituant « JARDINS DE POUSSIERES ». la légende chinoise rencontre le Steampunk, la science-fiction se fait conte. Vous pourrez y lire une nouvelle de 2 pages ressemblant à une publicité, le voyage spatio-temporel évoque un voyage initiatique. Il y a des intelligences artificielles. Et une nouvelle où certains des protagonistes sont des animaux modifiés aux souvenirs humains avec une héroïne/grenouille… « … Croa ! Croa ! » Je ris en voyant les gens s’écarter d’un air terrifié. Puis, je saute, le plus haut possible. ».

L’écriture est continuellement originale. Détendez-vous, ce sont des cocktails d’idées qui enivrent le lecteur. Certains textes grisant rendent euphorique. D’autres procurent une chaleur lente, un bien-être tranquille qui vous laisse pantois aux derniers mots, déboussolé. De véritables petits bonheurs littéraires. « … Un million de milliards de soleil illuminent le monde. ». « … un futur aussi vibrant de magie que le passé. ».

Le lecteur est l’hôte de sa « Twilight Zone ».

Un anthologie établie par Ken LIU

Ces réussites offrent à Ken LIU les prix les plus prestigieux aux USA et en France : Nebula, Hugo, World Fantasy ainsi que le Grand prix de l’Imaginaire pour un précédent recueil « LA MENAGERIE DE PAPIER ». A recommander également une courte novella, toujours au BELIAL, « L’HOMME QUI MIT FIN A L’HISTOIRE ».  Ken LIU est également traducteur de littérature de SF chinoise. 



Edité chez Outrefleuve





samedi 21 mars 2020

LE PROBLEME A TROIS CORPS PAR LES CHRONIQUES D'ARRAKIS

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LE PROBLEME A TROIS CORPS

Edité par les éditions ACTES SUD
Version en poche chez BABEL
Auteur : Liu CIXIN
Traduction de Gwennaël Gaffric
Couverture de Yoozoo Pictures
Prix : 10€90
Sortie en octobre 2018

La littérature de l’Imaginaire venue de Chine est encore bien rare chez nous. Malgré les récompenses prestigieuses obtenues depuis la parution du roman en 2006 (Galaxy Awar – Chine – en 2006 ; le Hugo américain lui fut attribué en 2015), il a fallu attendre 2016 pour voir le premier tome de cette trilogie traduit et édité par Actes Sud.
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Liu CIXIN

1967. Au moment de la Révolution Culturelle chinoise, les scientifiques sont très mal perçus par les autorités politiques et les Gardes Rouges. Ye Wenjie, jeune astrophysicienne assiste à l’humiliation et au lynchage de son père, célèbre scientifique.

En guise de « punition » et de rééducation elle est envoyée vers un site secret militaire, de Côte Rouge, et insérée au sein d’une équipe de recherche.

Ses connaissances servent à l’élaboration d’un nouveau système de télétransmission dirigé vers l’espace. En secret, elle envoie un message, sans certitude aucune d’être reçu par une quelconque intelligence extraterrestre.

Bien des années plus tard, la communauté scientifique mondiale est frappée par une vague de suicides inexpliquée. La Chine est frappée elle-même.

Wang Miao, chercheur réputé chinois en nanotechnologie, se trouve approché par un Commissaire de la République, Shi Quiang, personnage enjoué et retors. Il demande au chercheur de se rapprocher d’une section mystérieuse de scientifiques, afin de l’espionner pour son compte. Mais ce qu’ignore le Commissaire, c’est le phénomène étrange qui frappe Wang Miao : il est le seul a voir un étrange compte à rebours. S’agit d’hallucinations ?

En contact avec celle qui supervise ce regroupement de scientifiques, il lui avoue ce qu’il est seul à voir. Elle lui propose de faire cesser le défilement. Sceptique elle lui promet qu'il va pouvoir assister à un phénomène stellaire improbable. Qui se produit, à son grand étonnement. Convaincu, il accepte d’intégrer le groupe et la vision cesse.   Fortuitement il découvre un jeu de rôle vidéo qu’il se met à explorer. Cela le plonge au cœur d’une communauté aux prises avec des phénomènes climatiques erratiques dus aux trois soleils de la planète. Solution : trouver la périodicité exacte des phénomènes qui empêchent la population de vivre normalement. Seule solution pour eux en cas chaleur intensive, se déshydrater, au sens propre du terme « … Le laquais se défit de sa longue robe trempée de sueur, puis s’allongea nu sur le sable. Sous les dernières lueurs du crépuscule, Wang miao vit soudain de la sueur suinter abondamment sur le corps du laquais. Il comprit vite que ce n’était pas de la transpiration mais toute l’eau de son corps qui s’échappait. L’eau convergea en rigoles sur le sable, puis le corps du laquais se ratatina, comme une bougie fondue. Au bout de 10 minutes, le corps était complétement asséché, il ne restait plus qu’une peau flasque étendue sur le sol et sur laquelle il était désormais difficile de distinguer les traits de son visage.
-      Est-il mort ? demanda Wang Miao
-      …. Non répondit le roi Wen. » Extrait

A travers le « jeu », il rencontre de nombreux personnages célèbres de notre Histoire : des rois chinois importants, Leonard de Vinci, Newton… Avec qui il engage de longues conversations.

Quel est le sens des messages délivrés, pourquoi ce jeu, quels sont les buts exacts de ces scientifiques, il faudra au lecteur près de 500 pages d’une écriture scientifique raffinée, parfois complexe je le reconnais. Cela peut « lasser ». Mais passé ce malaise littéraire passager, utile en fin de compte, vous découvrirez ce roman, premier d’une trilogie (« La forêt sombre » ; « La mort immortelle » suivront) qui échappe à nombre de critères classiques de littérature de l’Imaginaire.

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A recommander à des lecteurs curieux d’autres approches, d’autres univers de conteurs, d’autres codes liés aux origines asiatiques, chinoises  de son auteur Je pense à des lecteurs qui ont aimé les romans du japonais Murakami, notamment 1Q84.
science-fiction-chine

« …Liu Cixin est devenu l'écrivain de SF le plus connu en Chine. Il est invité en tant qu'ambassadeur à de nombreux événements et colloques internationaux. Il se voit par exemple nommé « ambassadeur pour le programme chinois d’exploration de la planète Mars », en compagnie d’autres personnalités chinoises, ... Sa position de star SF mondiale prend place dans un contexte actuel où la Chine devient une puissance mondiale dans tous les domaines notamment scientifique et culturel. ».  Extrait de l’article de Elise POUGET « L’essor de la science-fiction chinoise »sur le site Le petitjournal.com.

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A signaler qu’une nouvelle de Liu CIXIN a été porté à l’écran avec succès - The Wandering Earth, film réalisé par Frant Gwo, 2019 - un des premiers films de science-fiction chinois. Hélas sur Netflix je crois ! Le texte a été traduit par Gwennaël Gaffric chez Actes Sud sous le titre « Terre errante ». Sortie en 2019/2020.

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vendredi 20 mars 2020

FELLSIDE DANS LES CHRONIQUES D'ARRAKIS


FELLSIDE
Edité par les éditions de l’ATALANTE
Auteur : Mike C. CAREY
Traduction de Nathalie MEGE
Couverture de Duncan SPILLING
Prix : 25€90
Sortie en novembre 2019

FELLSIDE, c’est le nom d’une prison « modèle » et moderne pour femmes, en Angleterre. Privée également.

C’est là que Jess Moulson est incarcérée après avoir été condamnée à une lourde peine dans un procès expéditif au vu des circonstances horribles du drame dont elle est à l’origine : camée notoire, sous l’emprise de la drogue elle a mis le feu dans son appartement, vengeance contre son petit ami. En s’étendant à l’étage supérieur, l’incendie a tué un jeune garçon que Jess connaissait et avec qui elle discutait parfois. Un garçon souvent triste…. Gravement brûlée, elle a été soignée et retrouvé un semblant de visage.

A l’issu du procès, elle entame une grève de la faim. Cela n’empêche pas qu’elle se retrouve à Fellside, dans l’infirmerie de la prison. Mais tout comme à l’hôpital, Jess ressent une présence invisible. Amicale.

La rejoint bientôt une détenue qui a subi une « punition » à la suite d’un vol… « Râles et soupir s’élevèrent en chœur la première fois que McBride prit un coup : un silence tendu succéda au deuxième. Silence qui persista, ponctué par le marteau qui s’abattait – en une percussion peu sonore évoquant assez de bruit de viande qu’on attendrit – et par les hurlements de surprise et de douleur de McBride, qui se hâtait chaque fois de ramener sa main vers son corps… alors qu’elle avait à présent tous les doigts cassés… ». Extrait.

Alors que Jess s’enfonce vers la mort, elle décide de cesser la grève de la faim car Alex le jeune mort dans l’incendie lui demande de l’aide pour découvrir qui l’a tué. Alex, fantôme amnésique, n’est pas mort à la suite de l’incendie ; une personne l’a torturé et tué auparavant. Il demande à Jess de rétablir la vérité sur sa mort.

Mais comment peut-elle mener une enquête alors qu’elle est incarcérée maintenant en cellule. Peut-être en parcourant le dossier du procès et de l’enquête. Pour cela elle contacte son avocat qui délègue un de ses jeunes collègues. A la lecture des pièces remises, Jess constate des zones d’ombres. Elle doit remonter le fil d’une enquête entachée d’incohérences.

Mais dans une prison de femmes, un infanticide est un crime majeur. Et Jess va subir très régulièrement des violences menées par une « chef » des détenues, véritable « parrain » des trafics de drogue en particulier et de la loi au sein de son quartier carcéral. Elle peut compter sur un des matons, son amant.

C’est encore Alex avec des pouvoirs qu’il possède en tant que fantôme, que Jess va accéder à la possibilité du voyage astral nocturnes et pouvoir pénétrer les rêves de personnes. Mais a-t-elle le pouvoir de prendre sa revanche ?

A vous de lire ce roman copieux de Mike C. Carey. « Un conte cruel pour amateur de roman noir et d’épouvante. » Library Journal.

Dans la veine d’une série TV comme « Orange is the New Black » ou le film « Sixième sens ». « 100 chapitre qui sont autant de scènes de vie, dans un lieu hanté par les vivants. » 
4ème de couverture.
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Un sourire d'ange pour mieux nous mener en Enfer !
Mike Carey, scénariste bien connu des amateurs de comics de Marvel à DC ; c’est le complice de Neil Gaiman, lui aussi romancier, mais qui a écrit la série « Sandman » chez Vertigo. Avec « The Unwritten », Carey détourne les codes des romans de Marie Shelley, Lewis Carroll ou Herman Melville.
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Avec FELLSIDE, il nous introduit dans un récit fantastique mais pas que… Il prend des chemins détournés pour aborder la vie d’une prison de femmes, sa violence, ses trafics, dresser une galerie de portraits d’hommes et de femmes où le sordide côtoit l’horreur de la vie carcérale. Où matons, corps médical et direction participent à la descente aux enfers d’êtres humains.
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Séries de romans non encore traduits chez nous !
Au grand dam du lecteur qui aimerait sans doute que le récit reste centré sur la quête de Jess Moulson.

L’écriture est fascinante, crue souvent. L’auteur a du métier, cela se sent. Son univers est glauque comme dans un roman précédent édité à l’ATALANTE, « Celle qui a tous les dons ». Mais aussi dans l’univers du comics. Toutefois, le lecteur se laissera happer par l’intrigue qui le poussera à dévorer les 100 chapitres afin de connaître la conclusion de la quête de Jess, très près de l’Enfer ! J’ai beaucoup apprécié le travail de la traductrice qui, en mots, sait capter l’intérêt du lecteur. On ne dira jamais assez que la réussite d’un roman étranger est dû, en partie à la traduction. Hommage soit rendu à leur travail !

Les autres romans traduits de Mike Carey à l'ATALANTE

lundi 16 mars 2020

CHIENS DE GUERRE DANS LES CHRONIQUES D'ARRAKIS



Edité par les éditions DENOËL
Auteur : Adrian TCHAIKOVSKY
Traduction de Henri-Luc PLANCHAT
Couverture (géniale comme d’habitude) Aurélien POLICE
Prix : 19€90


Dans un futur proche, la Cour Pénale Internationale est appelée à statuer sur la reconnaissance intellectuelle d’individus retenus prisonniers. Leur avocat commis d’office, Keram John Aslan, rencontre leur représentant. Et pour lui c’est un choc.

Il a, face à lui, Rex, créature évoluée génétiquement modifiées (ou bio morphes).

Véritables machines de guerre, engagées dans un conflit majeur au Mexique ; où s’affrontent troupes gouvernementales et guérilleros de l’Anarchista. Affrontements aussi d’influences économiques avec des multinationales qui investissent dans les technologies de pointe attribuées aux plus offrants. Redmark et ses investisseurs sont l’une d’entre elles. Elle a développé des créatures animales dans ses laboratoires. Particularité : elles sont atteintes de gigantisme.

Rex, par exemple, est un gros toutou de plus de 2 mètres au garrot. Les ingénieurs ont intégré à sa morphologie des armes surpuissantes. Rex commande une unité combattante constituée d’une ourse géante (Miel) ; Abeille est un agglomérat de minuscules drones titrant des fléchettes anesthésiantes ; Dragon, lui, est un reptile crocodilien capable de se rendre invisible. Leur cerveau respectif, évolué, est relié au colonel Muray, leur donneur d’ordres. Hartnell est, lui, chargé de programmer leur cerveau, et leur lien affectif. Il est porté sur la bouteille car il ne supporte pas le rôle qu’il joue dans cette guerre mais nécessité fait loi !. Nos animaux surdoués sont reliés entre eux par télépathie. Sur le terrain, ils sont des terreurs ! 

Lors de la visite d’une des représentantes des investisseurs de Redmark, Ellene Asanto, un exercice sur le terrain est organisé. Grace à des caméras intégrées à leur morphologie, l’équipe assiste à une manœuvre destructrice de la horde. Une escouade de guérilléros est décimée avec une violence sanglante. En guise de récompense, les mots affectueux comme « Bon chien » sont adressés à Rex par exemple. Car il est un bon chef capable d’entraîner sa troupe au combat.  Mais Asanto est-elle vraiment ce qu’elle paraît être ?

Sauf que le jour où les communications entre Murray et le groupe de Rex se coupe brusquement, il va devoir prendre des initiatives sur le terrain, avec l’aide de Miel, qui dévoile des facultés ignorées jusqu’à présent.

Ils arrivent près d’un village en pleine jungle, où officie le docteur De Sejos qui tente de garder la population en bonne santé, surtout qu’elle paraît victime d’un épandage de produits chimiques extrêmement toxique. Et l’on annonce l’arrivée de mercenaires armés.

Rex et son Team vont-ils s’engager dans une défense du village ? Comment se retrouvent-ils à la C.P.I. en compagnie de très nombreux autres bio morphes. Quel peut-être l’avenir de telles créatures dans un procés qui n’est pas sans rappeler celui de la controverse de Valladolid au 16ème siècle !   A vous de le découvrir dans ce roman qui se lit avec délectation ou l’auteur s’est amusé à alterner chapitre du vécu de Rex et ceux vécus par les différents protagonistes humains. Il y est aussi beaucoup question de manipulations génétiques, d’ingérence dans des conflits de multinationales pas vraiment philanthropiques. Pognon, pognon ; jusqu’à transgresser les codes écologiques, sanitaires. Commettant des crimes de guerre au nom d’une rentabilité économique et financière.
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Adrian Tchaïkovsky mène cette histoire avec des chapitres courts et bien documentés. Lui qui a étudié en Angleterre la psychologie et la zoologie insuffle des accents de vérité dans son récit. Lui dont on connaît peu la production littéraire en France, à l’exception d’un roman traduit dans la même collection « Dans la toile du Temps », roman pour lequel il a obtenu de prix A.C. Clark et le British Fantasy Award. D’autres œuvres seraient à traduire notamment le cycle « Shadows of the apt ».


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« Aborde de grands thèmes - dieux, messies, intelligence artificielle, aliens - avec brio ! » Financial Times

Extrait : « … Elle le rejoignit près de la fenêtre pour regarder, s’attendant à voir une sorte de chien humanoïde – un peu comme dans les films de loups-garous. La créature était différente. Plus grande, pour commencer. Elle avança à quatre pattes jusqu’aux abords de Retorna, puis se redressa de toute sa taille, qui égalait presque celle des maisons du village. Pendant un moment De Sejos ne vit qu’une forme sombre et indistincte. Il ne s’agissait pas d’un chien. 
- C’est un ours murmura-t-elle… ».

dimanche 15 mars 2020

SKIN TRADE DANS LES CHRONIQUES D'ARRAKIS...




Dans le bestiaire du fantastique, on trouve tout type de morts-vivants, créatures éthérées, d’êtres issus des contes et légendes.

Et pourtant le lycanthrope ou loup-garou, en littérature, malgré ce que l’on peut lire par ailleurs, occupe une place plutôt en marge au contraire du cinéma ! Comme le « loup garou de Londres » signé John Landis.

En littérature, en tant que personnage principal, je ne vois que « L’Heure du Loup » - 1989 - de Robert MacCammon ou « L’Année du Loup-garou » de Stephen King et Bernie Whrightson – 1983.


Quelques autres appartiennent à la littérature bit-lit ou young adult comme les romans de la série « Alpha et Omega » de Patricia Briggs.

Comme le roman de King, « Skin Trade » ressemble à un exercice de style assumé. Ecrire une histoire lycanthropique, à la fois dans la tradition et en modernisant le mythe, en le plongeant dans un cadre gothique et décadent. C’était une gageure qui permettra à son auteur, Georges R.R. MARTIN (par ailleurs devenu célèbre avec la saga littéraire du « Trône de Fer ») de remporter le World Fantasy Award de l’époque, 1989.

Cette novella de 184 pages était parue dans l’anthologie « Nightvision 5 » de Douglas Winter où l’on retrouvait comme auteurs invités Stephen King et Dan Simmons.

L’ouvrage qui vient d’être réédité chez ACTUSF était paru dans sa version française en 2012, dans une traduction de Annaïg Houesnard, chez le même éditeur, collection « Perles d’Epice » sous la direction de Jérôme Vincent. « J’ai Lu » l’avait édité en version poche en 2014. L’édition de décembre 2019 bénéficie d’une présentation « luxueuse » façon couverture molesquinée. Illustration de Andrew Brase. Coût 20 €.

Revenons aux prémices de notre histoire : elle met en scène 2 personnages diamétralement opposés quant à leur caractère. Randi Wade est détective privée, abandonné par son mari ; Willie Flambeaux est recouvreur de dettes. 2 sales jobs en somme.

Willie « le libidineux » vient la solliciter afin qu’elle mène une enquête sur les circonstances exactes du meurtre sordide d’une jeune femme handicapée, amie de Willie. Randy profite de la notoriété ancienne de son père, policier tué dans l’exercice de sa profession de manière violente et étrange au cours d’une enquête sur des cas de disparitions d’enfants. Ce qui ressemble à un meurtre n’a jamais été résolu. La jeune femme va avoir accès au dossier du médecin légiste qui décrit un meurtre horrible...

Dans cette petite bourgade jadis prospère, aujourd’hui un peu misérable, décrépite, subsistent 2 niveaux. Dans la partie haute, accessible seulement par un funiculaire, vivent quelques anciens notables. Dans l’autre partie, le reste de la population essaie de survivre après les fermetures des industries.

Randi est informée d’un deuxième meurtre ; invitée à se rendre sur le lieu du meurtre, elle va être confrontée à l’horreur. Cet autre cadavre a été horriblement mutilée, enchaîné au lit. Je cite « …La bouche de la femme était grande ouverte, ronde, béant dans un cri silencieux. Il avait découpé ses lèvres avec sa peau, et l’intérieur de sa bouche était tout aussi rouge que l’extérieur Son visage avait disparu ; il n’en restait rien, excepté un entrelacs humide de muscles et, ici ou là, le pâle reflet de l’os, mais il lui avait laissé les yeux… ». Troublant est le fait que l’écorchée vive présente des traces de brûlures bien nettes aux poignets et aux chevilles.

Pendant ce temps, Willie qui a rendu visite à un magnat de la ville haute, est attaqué dans son appartement qu’il venait de rejoindre, par une entité indéfinissable. C’est nu qu’il se présente chez Randi. Les soupçons de la jeune femme, rapport à un étrange message reçu, l’amènent à découvrir la véritable nature de Willie, il est un loup-garou ! Et dans la ville rôdent de très nombreuses créatures identiques.

Pourtant ils vont faire équipe pour découvrir la véritable identité du tueur de jeunes femmes et résoudre une enquête vieille de plusieurs années. Alors que Willie décide de fuir vers le Canada, il lui laisse un curieux objet qui cache un mystère….

Roman ou novella haletant, le lecteur est fasciné par cette mise en scène littéraire d’un mythe, « Polar noir et loups-garous ». Il évolue entre sourire et horreur. On sent un auteur qui s’amure à faire peur avec des détails sordides. C’est une œuvre urbaine avec en toile de fond une ville qui n’a pas été épargnée par la crise économique. A l’image de ses habitants figés dans un passé sordide. Très agréable lecture d’un soir au coin du feu alors que soufflent le vent et la pluie.

Jetez un oeil à une analyse sur le site NoosSFère due à la plume de Bruno Para…

A signaler l’adaptation en comics, 4 fascicules. Scénarisé et adapté par Daniel Abraham, dessiné par Mike Wolfer. Chez AVATAR PRESS, en 2013. Jamais édité en France à ma connaissance !



samedi 14 mars 2020

LE CYCLE DES ROBOTS D'ISAAC ASIMOV DANS LES CHRONIQUES D'ARRAKIS



LE CYCLE DES ROBOTS TOME 1 – LES ROBOTS
Isaac ASIMOV
EDITIONS « J’AI LU »
290 pages ; 6 €
Traduction de Pierre BILLON ; révision par Pierre-Paul DURASTANI
Illustration de couverture Création Studio J’Ai Lu d’après Alex Gontac


Extrait de la nouvelle "Raison" : "... Le Maître a d'abord créé les humains, catégorie la plus basse, la plus facile à réaliser. Peu à peu, il les a remplacés par des robots, de niveau supérieur. Enfin il m'a créé pour prendre la place des derniers humains. Dorénavant, je sers le Maître...."


« LE CYCLE DES ROBOTS », c’est le classique incontournable de l’âge d’or du roman de science-fiction américain ; au même titre que l’autre cycle de Isaac ASIMOV « FONDATION », véritable histoire d’un futur.

Ces écrits vont propulser son auteur au panthéon des écrivains scientifiques.

Rassemblées au début des années 1950, l’ensemble des 9 textes présents forment le 1er tome du cycle des robots. Le Club du Livre d’Anticipation des éditions OPTA les publie pour la première fois en France en 1967. Ce sont des textes qui datent des années 1940, qui reposent sur les fameuses 3 lois de la robotique attribuées à ASIMOV ; même si lui avoue qu’elles seraient dues à John CAMPBELL, alors éditeur de la revue Amazing Stories et ce, au cours d’une conversation.

Ces 3 lois, reproduites dans le présent ouvrage, sont les suivantes :
·         Première Loi : « Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger. » ;
·         Deuxième Loi : « Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres sont en contradiction avec la Première Loi. » ;
·         Troisième Loi : « Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n'entre pas en contradiction avec la Première ou la Deuxième Loi. »


La suite des rééditions
     L’édition de décembre 2019 est l’occasion de se souvenir que nous sommes dans le 100ème anniversaire de la naissance d’ASIMOV. C’était par ailleurs un biochimiste. Ce pan de sa carrière scientifique l’amènera à écrire des ouvrages de vulgarisation. Il participera également à des encyclopédies de la science-fiction dont un titre sortira chez Albin-Michel.

La première nouvelle à figurer porte le nom de « ROBBIE » ; elle date de 1940. Les scénaristes de "Planète Interdite" se sont-ils souvenus de ce nom pour nommer le robot du film devenu culte chez les amateurs de SF ?

Introduction à cet ouvrage : Un journaliste a décidé de retracer la carrière de Suzan CALVIN, spécialiste en psychologie robotique. Elle aurait ainsi le même âge que le premier robot créé par la société U.S. Robots. A l’époque Robbie est un robot à tout faire. Mais chez les Weston, il est le partenaire de jeu de la petite Gloria. Bien que muet et d’apparence encore grossière dans sa représentation humanoïde, il se prête avec malice et sans arrière-pensée aux exigences de la petite fille. Elle lui conte même des histoires qui le passionnent comme celle de Cendrillon.
Pourtant Mme WESTON ne voit pas cela d’un bon œil, car elle se méfie de la fiabilité du robot et du rôle de plus en plus grandissant auprès de Gloria. Elle convainc son mari de se séparer de la créature. Mais l’absence de Robbie plonge Gloria dans une peine profonde et il faudra toute la subtilité de son père pour imaginer un stratagème afin de revoir Robbie. Occasion de mettre en pratique la première loi….
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Illustration de Caza
Car, au-delà de l’évolution technologique des robots tout au long des histoires, jusqu’à les faire ressembler pratiquement à l’image de l’Homme, « Les Robots » est une occasion, pour son auteur, de « tester » subtilement l’ensemble des 3 loi. Des personnages récurrents, Mike DONOVAN, Gregory POWEL et Suzan CALVIN la mémoire des créations robotiques, sont les protagonistes bien souvent dépassés de l’évolution de l’intelligence des robots envoyés, dans un premier temps, sur d’autres planètes, car ils inquiètent les populations terrestres. C’est surtout, l’occasion de mettre en lumière la logique robotique respectueuse des 3 lois face à l’incompréhension humaine du sens de ces mêmes lois.

ASIMOV créé des situations, assez souvent humoristiques (j'ai d'ailleurs trouvé une certaine "fraîcheur" à la lecture des textes - excellent travail des traducteurs sans doute et une belle technique d'écriture de l'auteur à l'époque, ce que je n'avais pas trouvé chez Vance par exemple. J'attends de relire Vogt pour confirmer mon sentiment), dans lesquelles les robots obéissent, suivant la complexité de leur cerveau positronique. Ainsi, au fil des histoires, on découvre les premiers robots parlants, mais aussi un robot télépathe, menteur et bien évidement un robot perturbé. L’un d’eux se lance dans une religion robotique où l’Homme est qualifié d’inférieur ! Durant 9 chapitres, ce sont 50 années d’évolution, « d’humanoïsation » de leur physique et de leur cerveau. Depuis le doux et amical ROBBIE jusqu’à BYERLEY, robot politicien. En ce début 2050 le monde est-il à la veille d’être envahi de robots révoltés par leur situation ? Car ils furent longtemps considérés comme ce que signifie le terme « robot » dans la pièce de Karel KAPEK (R.U.R.), ouvrier, esclave….
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Speedie le lambin, QT-1 dit Cutie le futé qui créé une religion ou l’Homme est considéré comme inférieur, Dave ou DV5 le robot des mines de l’espace, RB34 (Herbie) le menteur, NS2 dit Nestor qui n’est pas imprégné de la première loi de la robotique, NS5 qui refuse son statut d’esclave.
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Les robots du film "'I, Robot" inspiré par le roman "Les Cavernes d'Acier"
Et vous regarderez alors le 3PO, R2-D2, WALL-E ou le terrible T800 d’un tout autre œil….
Le t800 du film de James Cameron, TERMINATOR
Si l’Homme des fictions pressent son propre avenir comme incertain, le lecteur se délectera des 6 romans du Cycle des Robots, d’un auteur culte qui nous interpelle sur notre propre humanité face à des machines toujours plus perfectionnées. Que l'on s'ingénie à créer indispensable ! 
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J’en profite pour vous recommander la lecture de l’ouvrage « Et l’Homme créa le robot" ; catalogue d’une exposition de 2012 au Musée des Arts et Métiers.